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le laboratoire médias

Journal d’un cinéphile extrémiste… au Festival d’Oran du film arabe

Journée # 1 : jeudi 15 décembre 2011 

Par Samir Ardjoum

« Voir à l’intérieur d’un plan, c’est se regarder dans le miroir sans en craindre les retombées du reflet »

Je me souviens d’avoir relu récemment Robinson Crusoé, dont une phrase m’avait perturbé au point d’en questionner la sémantique : «Je compris alors la folie d’avoir entrepris un travail avant de savoir si j’en étais réellement capable». Ecrire un journal de bord se résume, sans doute, à se jeter corps perdu contre des moulins à vent sans se soucier si la matière fictionnelle sera amplement suffisante. Il faut avoir la chance de vivre un état du cinéma dynamique, être suffisamment éveillé, observer tout et son contraire, re(voir) des films avec l’œil du sismographe, et surtout convaincre le lectorat que les plus belles choses peuvent se ressentir par le biais du « je ». Evincer le « nous » collectif et partager, tout comme le réalisateur (l’artiste), sa propre existence avec l’Autre.

Il faut par conséquent, se retrouver dans une position extrémiste, afin de mieux filtrer ce qui pourrait nuire à notre ressentiment. Le cinéphile que je suis, ne peut se permettre de prendre appui sur les artifices de la création pour éplucher le film. Que le film soit beau, qu’il y ait une belle interprétation, que la lumière soit gracieuse, tout cela dessert la critique de cinéma, participant à une déconstruction de l’échange avec le lecteur. Pourquoi donc un journal de bord, et qu’est-ce qu’un cinéphile, me direz-vous ? Déjà à la fin du XIXe siècle, le romancier Wilkie Collins en donnait étrangement une interprétation appropriée : «il arrive aux écrivains de métier de voir leur propre vie interférer de la sorte avec celle de leurs personnages». Se réapproprier un film et tenter d’en comprendre le processus sentimental de fabrication est devenu mon sacerdoce. Voir à l’intérieur d’un plan, c’est se regarder dans le miroir sans en craindre les retombées du reflet. Et rien de plus habile, de plus jouissif que de retranscrire ses nombreux éclats dans un carnet de bord, matière à délire où le « je » tant décrié par certains, serait mon plus fidèle compagnon. Doutes, colères, joies, mauvaise foi, tout doit être noté, jeté, et provoqué, sans que cela apparaisse comme une vérité ultime, car «la meilleure critique est celle qui est amusante et poétique ; non pas celle-ci, froide et algébrique, qui, tout prétexte de tout expliquer, n’a ni haine ni amour, et se dépouille volontairement de toute espèce de tempérament».

Première journée sous le soleil oranais et 5e édition d’un festival qui fut préparé en un temps record (1 à 2 mois selon les langues, mauvaises ou bonnes), et qui par son ouverture sur le monde arabe, est censé en donner un bel aperçu. Sept jours pour tenter de découvrir de belles, audacieuses, excitantes et sincères propositions de cinéma. Juste de l’émotion qui serait instillée par des cinéastes-passeurs, des passionnés de plans, de véritables têtes pensantes. Des gens communs, qui pour mieux cerner leur propre rapport à la société, sont dans l’urgence de fabriquer un film. Suis-je trop naïf pour croire en mes propos ? Aucune idée, juste que ce sera ma seule volonté, le reste n’étant que paillettes, strass, et futilités, autre aspect du festif qu’il faut accepter car chacun a ses raisons ! Inutile par exemple, de s’attarder sur la cérémonie d’ouverture dont le critique de cinéma, Mohamed Bensalah, remarquait justement un trop-plein de «paroles et pas assez d’images». Le cinéma, à cet instant, endossait le rôle désagréable de l’accessoire qu’on ressortait d’un vieux grenier. Entre deux discours, un ami réalisateur m’avouait avoir ressenti un certain malaise en traversant le tapis rouge qui le menait au Centre des Conventions. «Je songeais au film de John Woo, Volte-Face, et à cette séquence absolue de fusillade. En plein milieu de ce vacarme, il y avait ce jeune garçon qui se tenait là sans faire quoique ce soit, un casque de musique entre les oreilles, écoutant de la musique classique. Ce garçon, durant quelques secondes, c’était moi entouré…d’un chaos indescriptible !»

Aujourd’hui –puisqu’il est déjà plus de minuit- les choses sérieuses commencent…

4 commentaires sur “Journal d’un cinéphile extrémiste… au Festival d’Oran du film arabe

  1. bachir derrais
    décembre 16, 2011

    cher Ami,
    Oublie la petite phrase de K. YACINE « il n’a pas de race Arabe ni de Nation Arabe », oublie cette époque tragique de notre histoire ou des starlettes arabes snobaient notre beau pays méprisaient notre cinéma, notre langue l’époque ou elle confondait HASSAN HATTAB avec Djillali KHELLAS, Antar ZOUBRI avec SID AHMED AGOUMI quand elles pensaient que tous les Algériens étaient des terroristes et leurs pays étaient épargnés de cette gangrène islamiste….
    Oublie que depuis le 6 juillet 1962 aucune télévision arabe n’a osé diffuser un seul film Algérien, un seul ! Pas même celui qui a obtenu la palme d’or ! Oublie tout ça et regarde bien la splendeur du théâtre d’Oran observe bien et imagine Abdelkader ALLOULA, Sirate BOUMEDIENNE qui bavardent en descendant ces escaliers…..
    Fais une virée de coté d’Ain TURC parait il ils font de la belle musique le soir…. Quad à BENSALAH prend le temps de le connaitre, il parle des fois un peu trop il dit des bêtises de temps en temps mais c’est un passionné du cinéma et c’est quelqu’un de formidable au fond…

    • Adam Salmi
      décembre 16, 2011

      (à l’attention de mon compatriote Bachir);es-tu SUR Khoya de ce que tu avances?A savoir qu’aucune télé. arabe n’a JAMAIS diffusé 1 seule de nos productions cinématographiques?(y compris celles de nos voisins marocains et/ou tunisiens? y compris « Chroniques des années de braises »?)Note bien khoya, que je n’interviens pas ici pour mettre en doute ton affirmation,ni la contester,mais je n’en reviens pas,tout bonnement………….et j’ai besoin d’1 confirmation et, de certitude……….avant……….que je ne laisse libre cours à ma verve et, à ce que je pense de ces « pays arabes ».A propos ,et, en attendant(ta confirmation)K.Yacine, l’1 de nos meilleurs ambassadeurs en matière de culture(puisqu’il s’agit de culture ci-joint) a-comme très souvent- raison bien sùr,athirham rabbi(=Allah irahmo)fraternellement tien.Adam,1 « DZ » anonyme.

  2. bachir derrais
    décembre 17, 2011

    Cher frère,
    Je ne parle pas de la Tunisie ni du Maroc se sont deux pays magrébins et frères. Et pour ton information les pays du Maghreb n’ont jamais été reconnus comme pays arabe
    Et tant mieux

    pour le reste tu peux chercher et tu confirmeras tout seul

  3. ali
    décembre 17, 2011

    bonjour à tous, je poste un édito paru ce matin dans l’un des quotidiens algérien en repose au festivals

    Du film arabe et de son festival algérien
    Par Aïssa Khelladi

    Peut-on donner un sens à un festival des films arabes en Algérie ? Récompenser les  » meilleurs  » films arabes, dans un pays qui ne dispose même plus de salles de cinéma pour, à tout le moins, promouvoir ce qu’il récompense,—paraît absurde. On invite, on donne des prix, et on tourne la page: la bureaucratie dans toute sa splendeur. Et puis qu’est-ce que le cinéma arabe ? Puisque les infrastructures dédiées à cet art n’existent quasiment pas, on se tourne vers la télévision algérienne. Là, par contre, le film arabe sous toutes ses formes est omniprésent. Il sert à masquer l’indigence de la production algérienne et occupe tous les créneaux horaires. Ce ne sont ni la qualité esthétique ni la profondeur artistique en général, qui sont requises, mais la langue seulement.
    La langue arabe standard ou, à défaut moyen-orientale. Comme l’Algérie ne produit qu’exceptionnellement des fictions en arabe standard ou moyen-oriental, aucune télévision arabe, ni même aucun cinéma, ne diffusent des œuvres algériennes. Polis par habitude, les Arabes ne nous disent pas qu’ils sont mauvais, mais seulement « incompréhensibles » – entendez : « pas arabes ». On aboutit à cette situation surréaliste où l’Algérie organise des festivals de films arabes et diffuse à profusion des productions arabes sans qu’à son tour elle produise ou diffuse quoi que ce soit, nulle part. Les bureaucrates se contentent de faire, pour justifier leur existence, c’est connu, inutile de leur demander s’ils savent ce qu’ils font. Pourtant, ils pourraient commencer au moins, dans cette logique, à doubler -post-synchroniser- les documentaires occidentaux selon des choix éditoriaux qui nous soient propres, au lieu de les importer via des pays du Golfe.
    Avec un peu plus d’ambition, ils pourraient en faire autant pour les séries chinoises ou mexicaines
    -ce qui donnerait du travail et de l’expérience à pas mal de gens. Mais non, ils préfèrent les acheter tout « mâchés » par les studios jordaniens, syriens ou libanais. Bon, c’est le laid système de l’import-import triomphant dans tous les secteurs dits d’activités à l’échelle nationale : on ne produit rien ou presque, on importe tout, et on organise –le mot est ici un peu exagéré- de pseudo festivals de films pour décerner des prix qui n’ont de sens dans aucun dictionnaire de logique. A des réalisateurs que généralement la planète entière ignore, sauf nous. Pour des œuvres que personne ne verra, sinon incidemment, sans sentiment d’avoir raté quelque chose dans sa vie. Mais, pour autant, faut-il renoncer à ce genre « d’événements » ? Bien sûr que non. Ils sont nécessaires, voire utiles, dès lors qu’on leur restitue leurs vraies place et dimension. Au lieu du caractère grandiose et factice que les bureaucrates leur attribuent, avec « haut patronage » à profusion, juste pour ne rien faire d’autre qui soit plus intelligent, il suffit de les inscrire dans de modestes cycles de cinémathèques et de les circonscrire aux quelques salles qui fonctionnent encore dans le pays. Ainsi redimensionné, et expurgé de toute sa grandiloquence politicienne et dispendieuse, le festival du film arabe retrouvera son public et sa cohérence dans sa modestie même.

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Cette entrée a été publiée le décembre 16, 2011 par dans L'édito.

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